Îles Perlas (Panama) – Îles Galapagos (Equateur)
27 janvier- 4 février 2018
En ligne droite, 840 milles

Première nuit
Nuit du samedi 27 au dimanche 28 janvier
Golfe du Panama

Position à minuit: 7° 17’96 N – 79° 43’74 W
Position à 4 heures: 6° 53’76 N – 79° 55’84 W
Soit 30 milles de parcouru

Ça y est! C’est parti!
La première nuit dans le Pacifique!
Corsée pour le Captain!
Avant de le relayer, depuis ma couchette, le claquement des vagues sur la coque babord, le bruit de la mer qui mousse telle une puissante machine à laver, le tangage de Viramundo qui se dandine sur la crête de la houle, la structure du bateau qui craque et les plaintes incessantes de l’hydrogénérateur….me donnent l’idée de ce qui se passe à l’extérieur.
Des pointes de vent jusqu’à 30 noeuds agitent forcément la mer et réjouit les élans de Viramundo. En revanche, ce qui réjouit moins le Captain, ce sont tous les cargos, tankers à éviter ! Eh ben oui, nous sommes sur la route de tous ces gros que l’on a côtoyés dans le canal.
Et là, nous naviguons à l’entrée ou à la sortie de cette énorme golfe de Panama! Sur l’écran de l’ordinateur, pas moins de sept cargos de toutes tailles dessinent leur trajectoire autour de Viramundo, impressionnant! Quelle animation!
Sous le ciel étoilé à souhait et illuminé par Madame la Lune qui grossit, nous avançons super vite! Même si le vent a une petite tendance à baisser depuis que le Captain est allé se reposer.
C’est comme si un géant secouait une gigantesque couverture noire, brillante qui fait de longues ondulations saccadées ….et nous, on est dessus à subir les secousses des creux et des bosses, à se cramponner ou se caler. Cela, bouge pas mal. Il est conseillé de se tenir dans les déplacements !
La brise est fraîche et, cette nuit, la moiteur des tropiques est asséchée par l’alizé…je supporterais presque un tee-shirt à manches longues!
Ouah! Neuf AIS (bateaux croisant autour de nous) apparaissent à l’écran ! Incroyable, cette route! La plupart des cargos contournent la péninsule panaméenne qui referme le golfe, puis ils remontent en Amérique du Nord ou l’inverse, ils en viennent!
Cela fait des tas de choses à observer, à surveiller, à éviter, à rectifier…je parle du cap…et, du coup, le temps passe, les angoisses aussi…. Les conditions s’améliorent, le vent est passé sous les 20 noeuds la plupart du temps, les croisements sportifs avec les tankers sont terminés, le géant du haut …Eole…secoue moins violemment sa couverture. Les mouvements de Viramundo sont moins impétueux.
Il va être deux heures du matin et la Lune semble perdre de sa hauteur et de sa clarté …
Hé, c’est trop tôt pour me quitter!
La route est quand même mal plate !
Viramundo ne cesse de se trémousser, de sursauter, de se balancer, de s’embarder au gré des mouvements de la mer et ben, notre corps compense, s’agrippe, se tortille comme il peut! Quelle gymnastique!
Ouah, le coup de pompe! Le coca de minuit a terminé son effet, j’ai les paupières lourdes…encore une heure de veille! La Lune a aussi une petite mine. Pierrot a les traits tirés et son éclat jaunit. Il est prêt à passer derrière l’horizon. Il prend son temps…pas envie de nous laisser sur le grand disque noir. Eh voilà, disparue la Lune !
Le quart se termine dans une noirceur piquée d’étoiles ! Joli aussi!
Le vent forcit, 20-25 noeuds de vent, à 8,5 noeuds, on fonce dans le noir….j’aime moins!
Pauvre Captain, il tombe des nues….et son quart reprend dans le vent et l’obscurité complète !

Deuxième nuit
Nuit du dimanche 28 au lundi 29 janvier

Position à minuit: 5° 08’34 N – 81° 20′ 43 W
Position à 4 heures: 4° 49′ 88 N – 81° 29′ 49 W
Soit 20 milles de parcouru

Au milieu de nulle part! Voilà notre position!
Plus de 2’000 mètres d’eau sous nos coques, et elle est plate de chez plate. Il n’y a guère qu’une ondulation régulière que l’on passe en douceur.
Personne à l’horizon à des kilomètres à la ronde! Personne et pourtant, c’est magnifique!
Juste la Lune ! Deux jours avant sa plénitude! C’est dire si elle éclaire le plan d’eau! Les étoiles restent du coup assez pâlichonnes.
Qu’est-ce qu’on fait là? C’est extraordinaire de voir ça, de vivre de ça!
Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que notre survie dans ce nulle part ne tient qu’à deux coques et à quelques appareils qui veulent bien fonctionner!
C’est fou!
Dans ce milieu si immense, notre univers est vraiment restreint, et nos préoccupations limitées : la navigation, la bonne marche de Viramundo et notre bien-être !
Bien-être, bien-être….c’est par moment un mot inconvenant!
Je vais être hyper négative….
À part la couchette, il est difficile de se trouver un coin confortable, il fait chaud, les embruns ont salé le pont, certains sièges te font mal aux fesses….
On a embarqué des tonnes de provisions, mais à l’heure du repas, d’abord il faut rechercher les ingrédients dispersés dans les coffres et les frigos, ensuite, les traiter, après les apprêter…..
Tout cela, sur ce plancher flottant qui remue, qui secoue, ou qui ondule. T’as les épluchures de légumes qui tombent, t’as le gras qui gicle autour de la cuisinière, une secousse te fait renverser la sauce à salade, ou ton couteau de cuisine tout neuf t’enlève un bout de peau au doigt…et, en plus, t’as pas vraiment faim, car ça bouge! Mais tu sais que si tu ne manges pas, cela sera pire! Alors, on y va! Au moment de déguster , il y a justement un réglage de voiles….prendre un ris, changer le génois pour le gennaker….et ton repas refroidit ou glisse sur les plaques de la cuisinière…
Vous avez dit “bien-être “?
Que m’arrive-t-il cette nuit?
C’est normal la deuxième nuit! Le rythme n’est pas encore pris et les terriens, mes petits loulous, me manquent assurément.
Ah, bizarre! Des nuages apparaissent et assombrissent le ciel.
Les petites ondulations douces s’accentuent. Viramundo semble monter un cheval au galop….Le vent revient un peu. Les voiles nous poussent à une vitesse de 5 noeuds.

En fait, il suffit juste…. d’être, de vivre son instant, d’arrêter ce mental qui tourne trop !
Dehors, c’est magnifique!
Et c’est une chance incroyable de vivre ça!
Merci la vie!
Merci la Lune ! Tu es toujours là !

Troisième nuit
Nuit du lundi 29 au mardi 30 janvier
A 340 milles dans l’Ouest de Cali, Colombie


Position à minuit: 3° 49’81 N – 82° 21’67 W
Position à 4 heures: 3° 39′ 40 N – 82°33’09 W
Soit 16 milles de parcouru….calamiteux, secousses et pas d’avance

Difficile de sortir de sa couchette à 23 heures 45!!!
Au chaud, au sec, en plein rêves, c’est un effort d’abord physique!
Comme le Captain est au feu depuis plus de quatre heures, je n’ai pas de quoi me plaindre! Vas-y ma poule, c’est à toi de jouer!
Et, ce soir, il avait plutôt l’air content d’être relayé !
Je comprends.

Atmosphère extérieure :
grande clarté, laiteuse quand des nuages voilent la Lune, mer noire brillante, secouante…ça avance au moteur pas très vite par saccades, ça balance, ça se tortille, ça se trémousse…nous prenons les vagues, la houle de face ainsi que le peu de vent qui semble forcir…et peut-être même un léger courant. Bref, beaucoup d’éléments qui freinent. Je n’ai jamais vraiment fait de cheval, mais cela doit être un peu comme cela….notre corps bouge de manière à amortir les retombées, il part en arrière et retombe en avant…sauf qu’il nous manque les rênes pour accélérer le galop….
Une petite brise apporte de l’humidité des embruns, c’est poisseux…pas envie de s’appuyer nulle part, pourtant cela est nécessaire dans le tour de ronde!
En tee-shirt et short, le vent reçu de face rafraichit les bras et les jambes! Et pourtant, l’Equateur approche sérieusement. Nous sommes dans cette large zone où le régime des vents change. Dans l’hémisphère Nord, l’alizé souffle plutôt du Nord, alors que dans l’hémisphère Sud, il souffle du Sud.
Bon, pas trop inspirant, la méditation extérieure !

Atmosphère intérieure :
ben… je me tiens, je me cale!
Et le siège de la table à cartes est dur et tout déformé à force d’y être assis. Les fesses souffrent et aucun appui pour le dos….pourtant, c’est là que je passe mon temps à écrire, à surveiller la navigation, à lire, à faire mon quart…

Certains diraient” Et vous aimez ça?”.
Que répondre?
Pourquoi on est là ? Aime-t-on réellement ça?
Je n’en sais rien!
D’autant plus, qu’on n’avance pas! Quelle misère ! On se fait trimballer dans de l’inconfort et on est de vrais escargots!
Sur la carte, notre trace se crée millimètres par millimètres…ce n’est rien! Pas encourageant!
C’est loin les Galapagos!
Encore 490 milles…au moins!

Eh, eh,….une petite mandarine au goût délicieux dégustée sous l’éclairage de la Lune….c’est y pas un moment unique?
Cette saveur fruitée, désaltérante, inouïe dans cet endroit!
Voilà pourquoi “j’aime ça”!
Jamais je ne dégusterai un fruit de cette façon, au milieu de la nuit, sur terre!
Jamais je ne serais aussi consciente du temps qui passe! Chaque minute est vécue comme une modeste victoire sur notre avancée!
Jamais je ne serais tant à l’écoute du ressenti! Tous les sens sont sollicités intensément.
Alors…..c’est la VIE!

Quatrième nuit
Nuit du mardi 30 au mercredi 31 janvier
Moitié de la traversée ??? 461 milles, et il en reste 430 à vol d’oiseau


Position à minuit …onze: 2° 58’17 N – 83° 47’78 W
Position à 4 heures: 2° 54’46 N – 84°02’53 W
Soit. 15,5 milles de parcouru…. toujours moins….

Bon, normalement, le rythme de croisière est pris, pourtant, dans ce contexte marin, de petits riens deviennent des tâches désagréables …et délirantes !
Déjà que la météo est plutôt grisouille, l’ambiance est humide, des grains pleurent de temps en temps….juste pas assez pour dessaler le pont….alors, prendre un ris à minuit onze….voilà un exercice qui réveille et qui poisse les mains!
En plus, la mer est agitée, et Viramundo est un vrai cheval de rodéo, donc on doit se cramponner à tout ce matériel collant et trempé …beurk! Juste envie de rester au sec, au doux, de se préserver du sel!
Drôle d’équateur ! Même pas trop chaud et terriblement humide !
C’est la pleine Lune, et malgré la couverture nuageuse, on y voit comme en plein jour!
Ça, c’est plutôt agréable…on se rend compte que l’on est bien seul sur ce grand disque gris!
Même notre fou aux pattes rouges, compagnon de la nuit passée, a quitté le navire.
Est-ce qu’il va rejoindre sa colonie aux Galapagos, 430 milles à vol d’oiseau ?
Courage, l’oiseau! Au moins, Viramundo t’a servi de refuge quelques heures.
A nous de voguer jusqu’à ton havre!
Et le vent calme. Avec notre voilure réduite, on se traîne légèrement. Le Captain peut se reposer, et toi, le fou aux pattes rouges, tu y arriveras bien avant nous à ton île.

Complètement irréelle, cette vie nocturne!

A « Legoland » du Bassin de Panama (c’est là où nous sommes), prenez le “Mal-être enchanté”, nouvelle attraction!
Imaginez un radeau flottant de cinquante mètres carrés qu’on aurait fixé sur des vérins afin qu’il bouge sans cesse pour déséquilibrer les clients.
Rajoutez quelques accessoires insolites pour se tenir…si possible un peu collants, mouillés ou enduits d’encre de seiche.
Tout autour de l’eau ondulante, brassante et bruyante qui claque de temps en temps violemment sous la plate-forme. Et pour agrémenter le décor, un ciel pommelé, gris lumineux, qui peut s’obscurcir et pleuvoir à souhait!
Il ne manque plus que le dragon en briques Lego, naturellement, qui surgisse des flots et crache son venin ou Neptune avec son trident qui invite à continuer le voyage!
Pas assez effrayant!
Des coups de tonnerre accompagnés d’éclairs terribles qui tombent jusqu’à l’eau, la foudre qui grésille dans les caissons du radeau, et le fait basculer ou virevolter de temps en temps… assez pour déstabiliser les gens…on renforce l’atmosphère avec des volatiles piaillant et volant autour des têtes, avec des poissons volants qui s’écrasent sur le pont dégageant une odeur de varech épouvantable …quelle imagination!

Ivresse du large ou de la nuit?
En tout cas, j’ai acheté le billet et toutes les prestations sont comprises dans le forfait.

Cinquième nuit
Nuit du mercredi 31 janvier au jeudi 1 er février , dite Nuit de “Super Lune Bleue de Sang”
A 450 milles dans le Nord West de Quito, Equateur


Position à minuit: 2°10’04 N – 85° 29’30 W
Position à 4 heures: 2° 00’67 N – 85°46’62 W
Soit 20 milles de parcouru….ouais, bien!

Super Lune! OUI, OUI, OUI!!!
Magnifique satellite!
Elle nous apparaît effectivement beaucoup plus grande et beaucoup plus brillante que normalement! Elle est à son périgée, cela signifie que, sur son orbite, elle est au plus près de la Terre.
Extraordinaire phénomène vécu en direct, dans un lieu où l’on ne peut voir qu’Elle!
Son visage apparaît comme enflé dans lequel on aurait mis une ampoule mille watts!
Incroyable! Quelle lumière !
“Bleue de sang”…. je n’ai pas tout compris pourquoi cette appellation, sinon que trois phénomènes agissant sur la Lune ne se sont pas produites depuis 150 ans.
Le premier est le fait qu’elle soit proche, le deuxième, Lune bleue, je ne sais pas, quant au troisième, c’est qu’il semble qu’il y ait une éclipse lunaire visible dans le Sud Pacifique.
C’est vrai que l’on dirait qu’elle est légèrement rognée.
Déjà avoir la pleine Lune en mer, c’est inouï !
Alors, avoir la Super Lune Bleue de Sang….eh bien il a fallu attendre 150 ans!
Quand elle s’est levée hier soir avant 20 heures, derrière des nuages, elle diffusait une clarté rouge orangé, une vraie boule de feu.
Maintenant, son éclairage est plus blanc brillant.
Vraiment ravissante dans ce ciel pommelé!
Et quand un bout de coton nuageux essaie de la voiler, la Lune émet un cercle orange à travers la brume…quelle puissance, bravo!
Quelques étoiles paraissent aussi plus piquantes. Est-ce la Lune qui leur envoie sa lumière ? Ou désirent-elles aussi montrer de quoi elles sont capables?
Joli le match …comme dirait quelqu’un …et j’ai le privilège de contempler ce décor.

En tout cas, cela valait le coup de s’extraire de sa couchette!
Cela fait presque oublier tout le sel poisseux et imbibé de flotte qui inonde le cockpit.
Plus aucun coin de sec et propre! Impossible de s’asseoir tranquille! Brrrrr!
On a même adopté un système de changement de chaussures pour rentrer et sortir; et, ainsi éviter d’amener trop de poisse à l’intérieur. De même, comme je me cramponne lors de mes rondes extérieures, je me lave les mains à chaque fois en rentrant, sinon je resterais collée à mon stylo. Vraiment la poisse!

Tiens donc, “avoir la poisse” dit bien ce que cela veut dire!

Dans cette nuit de Super Lune Bleue de Sang, j’ai la chance d’avoir la poisse!

Sixième nuit
Nuit du jeudi 1 février au vendredi 2 février
…on approche de l’équateur….
A 185 milles du but en ligne droite, à deux jours de l’arrivée


Position à minuit: 1° 04’02 N – 87° 08’56 W
Position à 4 heures: 0° 55′ 75 N – 87°22’47 W
Soit 16 milles de parcouru

Au réveil, ambiance extérieure:
mer calme, brillante sous l’éclairage de la Lune a peine moins belle qu’hier, le bruissement de l’eau est régulier, Viramundo avance calmement en se dodelinant….pas de quoi s’affoler…il suffira de faire tenir les minis bouts de voile avec le peu de vent qu’il y a et de garder à peu près le cap!

Ambiance “intérieure”,
mère endormie dont les membres sans tonus peinent à s’activer, dont la tête reste dans les limbes du sommeil, qui apprécie l’humeur douce de l’extérieur et la nonchalance de Viramundo…il suffira de boire un petit coca et de réveiller toute la “machine” pour assumer le quart!

La sixième nuit! La sixième nuit d’éveil !
Peut-être plus qu’une seule pour arriver aux Galapagos.
Pour la traversée sur les Marquises, cela fera au moins vingt-trois nuits, sûrement davantage, alors ???
Bien sûr le physique fatigue, mais c’est plus le mental qui doit tenir!
Pourquoi cela fatigue tant?
En fait, sans même faire grand chose, notre corps est toujours en mouvement, on recherche à longueur de journée et de nuit son équilibre. Et on essaie de vivre comme à terre…préparer les repas, pas évident selon les conditions météo, faire sa toilette…acrobatique, parfois la douche…surveiller la navigation, excellent pour la tête, nauséeux selon les mouvements du bateau…assurer l’énergie du bord, de l’équipage …pas rien…..faire avancer Viramundo au mieux avec ce qu’on a!
Tout cela sans stabilité, en suspension continuelle!
Alors, on a intérêt à garder le mental solide et stable ….à garder les pieds sur ….terre!
C’est là que cela peut coincer justement!
Il faut la trouver cette “terre”!
En fait, en mer, nous sommes sur un fil, nous cherchons à garder notre équilibre physique et mentale plus encore qu’à terre, où nous vivons davantage dans l’action ou les distr…actions!
Et sur la longueur des traversées, c’est peut-être cela qui peut peser! Le manque de distr…actions, d’évasions…oh la, la! Quel paradoxe!
C’est une question de patience, car, au bout du chemin, le voyage apporte tellement d’actions et de dépaysements que nous devrions y trouver notre compte!
Et au bout du compte, qu’est-ce que c’est que 6 ou 23 ou plus …nuits d’éveil dans une vie!
Pas grand chose, sinon plus de choses à vivre!
Alors…….

Septième nuit
Nuit du vendredi 2 février au samedi 3 février
A 116 milles environ du but, Puerto Baquerizo Moreno, île San Cristobal des Galapagos


Position à minuit: 0° 29’85 N – 88° 14’12 W
Position à 4 heures: 0°23’53 N – 88°23’02 W
Soit 11 milles de parcouru …il ne fallait pas dépasser les 3 noeuds de vitesse pour arriver le jour prévu au mouillage…j’ai fait moins.

On ne se lasse pas d’avoir un si beau ciel!
Deux nuits après avoir été nommée “Super Bleue de Sang”, la Lune diffuse encore sa lumière miraculeuse du quart de minuit. À peine rognée, elle est bien haute dans le ciel tout clair. Seulement deux ou trois flocons nuageux l’entourent, sinon toutes ses compagnes de la nuit, les constellations et les planètes, occupent ce ciel magnifique.
Ce qui donne à l’eau ces petits éclats lumineux frémissant au gré de son clapotis.
Une nuit calme comme je les aime!
Viramundo glisse sur les ondulations de la longue et régulière houle qui rythme les pulsations puissantes de l’océan. Tout comme son petit frère, l’Atlantique, il vit intensément cet Océan Pacifique! On sent son pouls. Il montre son tempérament selon le vent qu’il reçoit. La moindre poussée d’Eole lui fait hérisser sa chevelure. Un courant le contrarie, alors, il se met à frisoter et à bouillir. Jusque là, il nous tolère et nous supporte sur son disque,…merci à toi l’Océan.
Selon son humeur, ses bruissements passent du gentil et harmonieux bruissement aux terribles claques qui s’écrasent contre les coques.
Cette nuit, il est mélodieux, rythmé, Pacifique, en fait!
…Et, de temps en temps, dans un grand splash, on entend un souffle et on attend de voir surgir une bestiole de ses entrailles …il reste, cependant très cachotier, il ne montre que très peu de ses habitants…à peine quelques poissons volants quand il se fâche un peu plus!
En ce moment, il dégage une petite odeur subtile de iode qui rafraîchit les narines. Et ses embruns légèrement brumisés, un rien salés, humidifient l’atmosphère…il offre un vrai soin hydratant pour la peau!
Une cure de rajeunissement… en fait … une eau de jouvence!
Bon, il faut y croire!
Ça c’est le côté “tout va bien” de l’histoire …. qui tient à si peu de choses!
Demain est un autre jour ou une autre nuit!
Ben oui! Vis ton instant présent!
Observe, écoute, respire, ressens, goûte l’Océan, le pouls de la Planète….c’est vrai!

Huitième nuit
Nuit du samedi 3 février au dimanche 4 février

A quelques 30 milles de l’île de San Cristobal des Galapagos


Position à minuit: 0°19’72 S – 89°02’22 W
Nous avons passé l’équateur ce jour à 12 heures 45, le 3 février .
Position à 4 heures: 0°27’73 S – 89°12’85 W
Soit 13 milles de parcouru

Ça y est, l’arrivée sur la terre est proche…normalement aujourd’hui!
L’appréhension tournique !
Que va-t-on trouver à Puerto Baquerizo Moreno? Déjà le nom est absolument fabuleux!
Comment est le mouillage? Que devra-t-on faire comme administration?
Et là, aux Galapagos, cela semble particulièrement corsé! Les formalités d’immigration, douanières et sanitaires paraissent très strictes ! La barrière linguistique alimente la difficulté à comprendre les habitudes et toutes les subtilités des règles de ces iles.
Plus on lit de renseignements écrits par d’autres navigateurs, plus cela aide, d’un côté, mais, plus cela inquiète de l’autre!
Depuis sept jours et huit nuits, maintenant, nous vivons dans notre cocon, tranquilles et isolés ….deux ermites flottants!
Nous avons notre routine, nos repères, notre confort…eh oui quand même!
Et nous devons atterrir…c’est le mot…., se mouler dans des procédures encore différentes de ce que l’on a connu….
Ben….
c’est le propre de l’inconnu!
c’est le piment du voyage, mais…. malgré tout …. un stress!
Surtout, qu’après ces jours de mer, le manque de sommeil ne favorise pas la rapidité de compréhension et d’adaptation.
Étrange sensation… Une nouveauté, une découverte, une aventure…..
Dehors, le ciel est voilé, la mer ondule, calme, bruissante…tout est grisouille et laiteux. La Lune transmet sa luminosité à travers un filtre nébuleux. Viramundo, serein, glisse sur ce sol mouvant, l’odeur de mer chicane nos narines. Nous sommes dans une vraie bulle, humide et moite, peinte avec toutes les nuances de gris. Aucune lumière et aucun signe de présence humaine ne sont visibles.
Comment s’imaginer qu’un monde existe à moins de cinquante kilomètres devant nous?
Et quel monde!
La présence de tous ces animaux particuliers aux Galapagos réjouit vraiment notre curiosité, tout comme la nature exceptionnelle des îles à découvrir!
De retrouver la terre ferme et le bonheur de concrétiser toutes les images que l’on s’est dessinées à travers les lectures seront une réelle récompense.

Eh bien, oui, c’est beaucoup plus facile d’aborder un nouvel environnement qu’un nouvel humain….

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